C’est par notre tête et nos mains que nous avons transformé le monde pour en faire ce qu’il est aujourd’hui. C’est aussi par notre tête et nos mains que nous pouvons le transformer pour en faire autre chose. Bien qu’à première vue, nos mains paraissent bien petites aujourd’hui dans un monde dominé de plus en plus par les machines et les écrans, elles restent notre premier moyen d’action sur le monde matériel extérieur et le véhicule d’interactions sensibles extraordinairement riches avec celui-ci.

La sculpture sur bois me permet tout à la fois d’établir un contact sensible avec une matière qui garde une trace profonde de la vie qui l’a animée et de la transformer en accord avec la vision du monde qui est la mienne. Depuis la Grèce antique, la civilisation occidentale a conçu l’acte de création technique ou artistique comme l’imposition, par un agent humain, d’un projet élaboré par son esprit sur une matière inerte, qui ne signifie rien et qui peut être façonnée à sa guise. Mais ce que nous avons l’habitude d’appeler « matière » n’a rien d’inerte ; comme le montre la physique, elle n’est en réalité qu’un moment du mouvement général de l’univers. C’est manifestement le cas du bois mort, qui était encore, peu de temps auparavant, un organisme vivant possédant une histoire propre.

J’ai décidé de prendre cette réalité au sérieux et de concevoir l’activité artistique comme une façon pour moi de participer à la métamorphose permanente d’une nature vivante. En conséquence, je ne fais pas de la sculpture sur bois « classique ». Certes, il m’arrive parfois de sculpter un bloc de bois avec un projet préalable en tête pour tester mes compétences techniques, mais la grande majorité de mes sculptures sont le produit d’un travail bien différent : je ramasse un bout de bois mort dans la nature qui éveille ma curiosité, je commence à le nettoyer et à le sculpter et, ce faisant, je me laisse emporter par l’histoire qu’il me raconte pour le réincarner en un personnage ou un objet qui respecte sa forme et sa texture. Bien que ce soit moi qui crée la sculpture, ce n’est donc pas moi qui décide arbitrairement de ce qu’elle sera. En quelque sorte, je suis l’agent de la métamorphose d’un être autrefois vivant qui entame une nouvelle vie sous forme de sculpture.

Il va de soi que cette façon de concevoir la création artistique en général et la sculpture sur bois en particulier n’autorise pas la reproductibilité des œuvres, chacune étant unique. Le bois ne présente toutefois qu’un nombre fini de types de forme et de structure, qui tendent chacun à engendrer un certain type de sculpture. J’ai donc cherché à classer mes sculptures en quelques grands thèmes pour faciliter leur présentation sur ce site, bien qu’à vrai dire, cette classification soit assez arbitraire.